Les PME suisses face au défi numérique

Tôt ou tard, les forces motrices de l’économie suisse devront sauter dans le train numérique. Mais comment? Trop de PME souffrent de ressources humaines et financières limitées afin d’entamer cette mue. Un constat qui s’ajoute à une méconnaissance des processus. De nombreuses solutions existent pour les aider à trouver le chemin de cette transition devenue cruciale en termes de compétitivité.

Par Mehdi Atmani

A force de ne jurer que par eux, on en oublierait leur sens. #innovation, #numérisation, #disruption. L’époque est à l’image de Twitter et du web en général, faite de mots-clés générateurs de trafic et de communication. Des concepts à la mode encensés par les médias, les entrepreneurs et les politiques, car générateurs de promesses. Ces mots-clés sont des préfixes qui ont l’extraordinaire pouvoir de transformer un produit ou un service standard en innovation technologique révolutionnaire. Ils véhiculent surtout des mythes tenaces comme celui de la start-up qui, du simple fait de son jeune âge, sera le moteur de cette transformation. 

Les jeunes pousses sont pourtant une minorité. Plus de 95% du tissu économique suisse est composé de PME, ce qui en fait des sources précieuses d’innovation technologique. Alors que les grandes entreprises ont les ressources pour financer leur adaptation à l’économie numérique, les PME suisses peinent encore à prendre ce virage pourtant crucial pour leur survie. Ce sont elles, en effet, qui sont en première ligne face aux défis et aux risques de rupture de leurs processus internes, leur marketing, leur relation client et leur modèle d’affaires. Dans un marché de plus en plus concurrentiel, parfois semé d’entraves administratives et une économie en mouvement, il s’agit pour toutes les PME de sauter dans le train numérique. Très bien, mais comment?

Des ponts pour accompagner la transition

La directrice ou le directeur d’une PME a conscience qu’il est primordial de gagner en agilité, en compétitivité pour garantir un avantage concurrentiel sur son marché. Mais comme beaucoup, ils ont le «nez dans le guidon» et passent un nombre incroyable d’heures à gérer les affaires courantes. Face à cette réalité, il leur est difficile de prendre le temps de la réflexion pour faire ce travail d’introspection primordiale avant d’entamer cette mue numérique. Pire, beaucoup de PME se sentent démunies. Par où commencer? Avec quels outils, quelles compétences et quels partenaires? Quel est mon but? Une innovation “produit”, technologique ou issue de mes processus internes? 

En Suisse, plusieurs initiatives publiques et privées ont vu le jour pour mettre en réseau les PME avec le monde de l’innovation. A l’instar du programme Alliance de l’EPFL, de la Commission fédérale pour la Technologie et l’Innovation (CTI), rebaptisée Innosuisse. Mais aussi le réseau Digital Switzerland ou celui d’Innovaud, les initiatives des chambres cantonales du commerce et de l’industrie, et celles des hautes écoles. Petit à petit, les acteurs se mobilisent et créent des ponts pour accompagner les PME dans cette transition.

L’économie numérique est un défi collectif. Pour la PME, l’enjeu est double. Elle doit à la fois se repenser, mais aussi prendre en considération le degré de numérisation de son écosystème. Comme dans tous les changements, tous n’évoluent pas au même rythme. Ce décalage peut ainsi freiner les ardeurs numériques d’une PME. C’est l’une des nombreuses conclusions de l’étude réalisée par le Service de la promotion économique et du commerce du canton de Vaud (SPECo), Swisscom, Innovaud et l’EPFL. Elle a donné la parole à 300 acteurs économiques vaudois (PME, grandes entreprises, start-up, instituts de recherche), tous secteurs confondus pour comprendre leurs défis et y répondre. L’offre de la Suisse regorge de pépites technologiques. Le présent dossier a mis l’accent sur la demande, en donnant la parole à ces PME romandes en recherche de collaborations pour réussir cette transition numérique.

Les conclusions de cette étude seront dévoilées le 19 avril prochain lors d’un événement spécial organisé conjointement par l’EPFL, PME Magazine et Le Temps au Swiss Convention Center de l’EPFL sur le thème de la digitalisation des PME. Des experts et des patrons de PME témoigneront en abordant l’ensemble des enjeux de la numérisation. Qu’il s’agisse de la culture numérique, de la problématique des données, de l’évolution réglementaire pour soutenir cette transition et son financement. Tour d’horizon des défis que doivent relever les PME et des exemples de mutations digitales réussies en Suisse romande.

1. Le bouleversement de la culture d’entreprendre

C’est très certainement la clé d’un virage numérique réussi. Celui-ci reste le plus compliqué à négocier, car une PME qui s’est décidée à entamer sa mue digitale doit repenser sa culture en profondeur et trouver de nouveaux repères dans un modèle d’affaires numérique chamboulé par de nouvelles pratiques. Pour une PME, il ne sert donc à rien d’intégrer des outils et des experts à l’interne sans le développement préalable d’une stratégie numérique mûrement réfléchie. Ce serait même contre-productif. Emmenée par sa direction, la PME doit réaliser cette transition grâce à une équipe ouverte à de nouvelles formes de collaboration. Il s’agit donc pour elle de déclencher une dynamique globale qui, par effet domino, déterminera le succès de l’ensemble de ses processus numériques.

«Nous nous devons de tous réfléchir ensemble.»

Michel Maillard, Naef

En Suisse Romande le groupe Naef jouit d’une tradition immobilière centenaire. Mais cela fait une dizaine d’années que cette PME familiale fondée en 1881 s’est réellement interrogée sur son avenir et ses enjeux technologiques en renforçant ses échanges avec ses partenaires, fournisseurs et clients. «Notre première volonté était de donner à nos clients propriétaires un accès direct à leur compte, explique Michel Maillard, directeur des agences de Lausanne et Vevey. Nous avons donc décidé de mettre en place un portail électronique multilingue sécurisé, qui leur permet de consulter à tout moment l’ensemble des aspects relatifs à la gestion de leur parc immobilier: l’état locatif, la liste des décomptes annuels de gestion, les contrats d’entretien, les assurances et hypothèques, ou encore l’analyse de l’avancement du budget en temps réel.»

Sur le même modèle, le groupe Naef a rapidement développé d’autres plateformes dédiées aux copropriétaires, locataires et fournisseurs. Pour ces derniers par exemple, la dématérialisation des échanges papier a permis d’accélérer l’ensemble des processus. «Grâce à cet outil, nos partenaires peuvent connaître l’avancement du traitement de leurs factures et être payés dans un délai de vingt jours», ajoute Michel Maillard. «Un pari gagnant puisque désormais «80% des fournisseurs travaillent exclusivement avec ce portail.» Naef Immobilier s’applique également à développer un système intégré sur tablette pour maximiser la gestion de son parc locatif et diminuer la paperasse associée.

L’importance de rassurer et d’expliquer

Lors d’un état des lieux de sortie, chaque gérant sera par exemple équipé d’une tablette. «Fini cet horrible papier carboné. Il remplit les informations électroniquement. Une fois validé, l’état des lieux est directement adressé de manière sécurisée au locataire entrant», précise Michel Maillard. «Ce système nous permet aussi d’avoir un historique précis de la vie de l’immeuble et des appartements, comme la date de la dernière réfection des parquets, le montant des travaux, etc.»

La dématérialisation des documents, initiée depuis de nombreuses années par le groupe Naef à travers ses plateformes, a donc permis un partage de données ainsi que la simplification des processus. Les bénéfices vont cependant bien au-delà, car ces outils permettent aux divers experts de l’immobilier de libérer plus de temps pour le conseil et valorisent leur expertise. Les 300 employés de la régie sont globalement «très fiers de ces outils». Mais il va de soi qu’une telle démarche peut en effrayer certains. «Ils se demandent à quoi ils serviront si tout est numérisé. Nous nous devons donc de tous réfléchir ensemble, de rassurer et d’expliquer», conclut Michel Maillard.

Pour son directeur Fabrice Haenni, la distillerie Louis Morand est désormais orientée numérique. ©Stéphanie Liphardt

Parfois l’ennemi vous cerne et limite vos échappatoires. En Valais, bastion vinicole, la distillerie Louis Morand innove sur le marché des spiritueux pourtant dominé par les mastodontes Bacardi ou encore Pernod Ricard. Le défi est grand pour l’entreprise martigneraine, mais ne l’effraie pas. Au cœur de la deuxième ville du canton, la distillerie défend sa place et innove avec son offre de cocktails et ses sirops bio non alcoolisés. Voilà pour la vitrine, car l’innovation se niche ailleurs. Fabrice Haenni dirige la PME valaisanne depuis 2015. C’est lui, entre autres, qui porte la profonde mue digitale de l’entreprise. Première étape en 2010, avant son arrivée, avec la digitalisation des alambics pilotables par smartphone. «Nos œnologues n’ont donc plus besoin d’être présents 24 heures sur 24 à la distillerie pour prendre la main», souligne Fabrice Haenni.

Deuxième étape avec la mise en œuvre d’un outil de gestion ERP pour l’entreprise qui, en 2015, a cédé la distribution de ses produits à l’entreprise Alloboissons. Morand intègre désormais tous ses paramètres (production, gestion des stocks, livraisons, magasins en ligne) sur cet outil. De quoi «dégager des forces sur le développement commercial de l’entreprise.» Dernier axe? La mise en place d’une stratégie e-marketing. Tous ces chantiers ont révolutionné la culture de l’entreprise orientée, désormais, numérique. «La digitalisation est une vraie chance pour de petites PME comme nous. De petits investissements marketing donnent beaucoup d’impacts. On s’est beaucoup débrouillés par nous-mêmes pour développer ces réseaux. Nous avons pu aussi compter sur des soutiens externes. Cette mise en relation fut salutaire. Mais ce qui aiderait, c’est aussi l’échange de bonnes pratiques.»

2. Un monde numérique à démystifier

Pour les PME, l’innovation impose un réapprentissage qui ne repose pas uniquement sur l’acquisition de connaissances techniques. Les innovations – qu’elles soient “produit” ou organisationnelles – ne doivent pas être qu’un vernis marketing. Elles reposent sur la plus-value qu’elles apportent aux clients. Cela implique de nouvelles formes de collaborations et l’acquisition de compétences. En tissant ce dialogue de confiance avec les clients, la PME pourra identifier les domaines dans lesquels les applications numériques lui offrent ou non des avantages et répondre aux attentes. 

Passé le cap de la trentaine, Laurastar a bien compris l’importance de tirer les enseignements et les retours de ses clients pour amorcer sa digitalisation. L’entreprise familiale de Châtel-Saint-Denis a lancé, l’année dernière, un produit innovant et connecté – Laurastar Smart. La connectivité de ce système de repassage à son application dédiée apporte quatre niveaux d’information dont trois s’avèrent synonymes d’authentiques bénéfices consommateurs. Mais pour en arriver là, la route fut longue et pleine d’interrogations.

Innover pour survivre

Nous sommes en 2010. Julie et Michaël Monney – les enfants du cofondateur de Laurastar Jean Monney – s’apprêtent à rejoindre l’entreprise familiale. La fratrie, qui a grandi avec Laurastar, entame la transition numérique de l’entreprise. Celle-ci fait alors face à la concurrence croissante de l’online dans le secteur de la vente de détail. Elle doit aussi régater avec des concurrents étrangers meilleur marché (SEB, Philips) sur le segment du repassage. «Pour survivre avec des produits dix fois plus chers, une PME suisse doit innover pour se distinguer», observe Michaël Monney, directeur des ventes.

Chez Laurastar, le fer à repasser s’est transformé en un objet connecté intelligent. ©Stéphanie Liphardt

Pour Laurastar, dont les produits équipent 25% des ménages suisses, la première étape fut de dynamiser ses canaux de vente en ligne. «Nous avons développé un outil de gestion de la relation client (CRM) très performant pour soigner et garder ce lien avec le consommateur, confie Michael Monney. Il ne s’agit pas seulement d’être fort dans la distribution. Il faut accompagner le client dès son premier contact avec Laurastar et tout au long de la vie du produit acheté, avec l’envoi de conseils et de mises à jour.»

En 2016, l’idée d’un projet basé sur l’internet des objets germe. «Nous avions développé un algorithme qui comprenait les mouvements de repassage de l’utilisateur, détaille Julie Monney, directrice du marketing. En fonction des mouvements, le fer envoie de la vapeur. Le client n’a donc plus besoin de réfléchir. Nous nous sommes retrouvés avec ce capteur intégré à la planche à repasser, et avec cet outil de gestion de la relation client très performant. Nous nous sommes donc demandé si nous pouvions combiner les deux pour rendre cette relation client plus immédiate. C’est à partir de là que la connectivité est née.»

Le Laurastar Smart débarque l’année suivante sur le marché. Relié à une application gratuite, ce fer à repasser intelligent apprend de votre façon de repasser et s’adapte en fonction. L’application de coaching enseigne les bons gestes et les techniques pour le linge délicat par exemple. Elle alerte aussi le client lorsqu’il doit changer une cartouche calcaire ou commander un produit directement en ligne. Cette connectivité a complètement transformé l’entreprise familiale. «Les données nous ont forcés à développer des compétences d’analyse data et la mise sur pied d’un outil de business intelligence pour réagir plus rapidement aux retours du marché.» A cela s’ajoutent la création d’un département de recherche et développement et des collaborations étroites avec des entreprises privées et des hautes écoles suisses.

«De l’IA dans la pompe à insuline»

Sur le marché du médical, la PME lausannoise Debiotech utilise l’intelligence artificielle au service de personnes souffrant de diabète. Une opportunité d’innovation née d’un accord conclu avec le centre ARTORG de recherche en bio ingénierie médicale de l’Université de Berne, qui menait alors une étude sur la prise en charge, par l’intelligence artificielle, des personnes diabétiques. Avec une équipe de chercheurs, Debiotech a donc intégré de l’intelligence artificielle dans une pompe à insuline qui agit, via un système monitorant sur le glucose du patient à intervalles réguliers. «Pendant une semaine, l’intelligence artificielle intégrée va récolter en continu le taux de sucre dans le sang afin de connaître le métabolisme du patient», développe Joao Budzinski, responsable de projets software chez Debiotech.

«Prochain défi: la validation de cette technologie ainsi que sa cybersécurité.»

Joao Budzinski, Debiotech

Après cette phase d’apprentissage, le système s’active et propose une thérapie ciblée. «A chaque fois que le patient prend un repas, c’est le système qui analysera combien il faut libérer d’insuline pour le compenser. Il stabilise ainsi le taux basal du patient et réduit les phases d’hypoglycémie et d’hyperglycémie. Pour l’heure, cette technologie est encore à l’étude. Debiotech et l’hôpital de Berne devraient lancer prochainement les premiers essais cliniques. «Tout le défi consiste désormais à valider cette technologie, remarque Joao Budzinski. Il faut nous assurer qu’elle ne représente aucun risque pour le patient en lui administrant la bonne dose d’insuline. Et sur le front de la cybersécurité, que cette technologie ne soit pas piratable.»

3. L’eldorado des données

C’est le Saint Graal de la révolution digitale. «Le nouveau pétrole numérique». Depuis l’apparition du big data au tournant des années 2010, les chefs d’entreprise ne jurent que par ces mégadonnées issues des réseaux sociaux, des objets connectés, de la téléphonie mobile et des capteurs. Et de leur croisement. Pour les entreprises, ce trésor est la promesse d’innovation, mais surtout de nouveaux marchés à conquérir. Mais dans les faits, seule une poignée d’entre elles parvient à dépasser l’étape de la collecte à l’exploitation des données. Car tout l’enjeu réside dans la capacité de l’entreprise à donner du sens à cette mine d’or d’informations. La finance et la santé ont une longueur d’avance sur l’industrie et l’horlogerie. Mais d’autres secteurs rattrapent leur retard. 

Pour les entreprises, le big data est une révolution aussi importante qu’internet. Mais elles se trouvent aujourd’hui dans une phase de transition. Jusque-là, elles étaient devenues expertes dans la collecte, le stockage et la hiérarchie de données issues de leurs systèmes d’information internes. Comme ce volume de données évolue de manière exponentielle, les entreprises sont contraintes de repenser constamment leurs infrastructures. Une remise en question qui doit être perçue comme un investissement et non comme un coût, car l’exploitation des données produit de la valeur, donc un retour sur investissement.

Cellule d’innovation aux TL

Michel Joye, directeur des TL et du LEB.  @ARC/J.B. Sieber

Michel Joye aime à rappeler que les prémices de la transformation digitale des Transports publics de la région lausannoise ont en fait déjà démarré avec le projet du métro m2. C’était il y a plus de dix ans. Et pour le directeur des TL et du LEB, la mise en circulation en 2008 de ce métro sans conducteur reste une prouesse technologique. «Ces trains sont des objets interconnectés qui s’influencent entre eux. Au-delà de la technologie, nous avons dû complètement réinventer nos services à la clientèle pour que le voyageur se sente en sécurité dans une rame sans conducteur, rappelle Michel Joye. De plus, nous avons mené ce projet de manière complètement déconnectée des processus standards de l’entreprise.» Aujourd’hui, la donne n’a pas changé, sauf que «le vent technologique souffle bien plus fort et plus vite», constate Michel Joye.

Depuis ce premier projet d’envergure, la digitalisation façonne l’ensemble des initiatives à venir des TL. «Le numérique nous a forcés à repréciser notre vision de la clientèle à l’horizon 2025 avec la mise sur pied de deux grands types de services», mentionne Michel Joye. La première mesure, c’est la mise en circulation de bus à haute cadence, d’un tramway et la construction de la ligne de métro m3. Le deuxième chantier, moins visible, c’est l’amélioration des services pour faciliter la mobilité. «Nous devons les enrichir pour faciliter l’accès aux transports publics et à la mobilité. Nous voulons nous positionner comme un intégrateur de mobilité dans l’agglomération lausannoise.»

Au début des années 2000, «l’ennemi» des transports publics se nichait encore dans la voiture. Désormais, cette concurrence a pris de multiples visages. A l’instar d’Uber. C’est donc pour favoriser la mobilité d’un voyageur de son domicile à son lieu de destination que les TL et les Transports publics Genevois (TPG) inaugurent, au mois de mai prochain, une application unique qui permettra notamment de se déplacer au sein des deux agglomérations en choisissant le bus ou le métro, en réservant un taxi, en louant une voiture Mobility et en utilisant le service Publibike. Tout cela combiné dans une seule offre tarifaire, grâce à une seule app.

Gérer toutes les temporalités

Cette mue des TL révolutionne la culture d’entreprise. «Nous sommes une société publique qui dépense de l’argent public, illustre Michel Joye. Nous avons toujours été dans des cycles de planification très lents et à long terme. L’un de nos défis est d’être innovant sur le court terme, avec des projets plus petits, mais réactifs. Nous devons être bons sur les deux temporalités.» Le directeur des TL cite en exemple la prolongation, en juin dernier, de la ligne de bus 32 entre Villars-Sainte-Croix et le site industriel de Bobst. «Après deux semaines, nous avons vu que nous pouvions faire des améliorations. Mais notre ligne de production encore rigide nous a permis de ne les faire qu’en décembre. Il faut raccourcir ce temps.»

Afin de mener plus rapidement de petits projets, les TL mettent sur pied une cellule d’innovation pour traiter des projets hors-sol, c’est-à-dire qui transitent hors des circuits traditionnels de l’entreprise. «Cette cellule doit aussi faciliter une collaboration proactive avec des partenaires externes. Cela permet aussi d’incuber de nombreux projets. A cela s’ajoute une refonte du management et de l’interaction entre collaborateurs pour fluidifier les échanges et les idées d’innovation. Mais surtout la formation pour que l’ensemble des employés collaborateurs soit au fait des outils digitaux.»

4. Un laboratoire de formation continue

La simple évocation du mot digitalisation peut être anxiogène. Il suffit de poser la question aux collaborateurs d’une PME pour s’en rendre compte. Cette peur diffuse face au changement technologique est liée aux mutations structurelles et à la crainte concrète de voir son métier remplacé par un robot. Si certains postes sont effectivement voués à disparaître, d’autres seront créés. Pour de nombreuses PME, les contours de ces emplois d’avenir sont encore flous. De même que les compétences requises pour les exercer. C’est pour cette raison que l’enseignement et la formation doivent promouvoir la souplesse, la capacité d’adaptation et l’intérêt pour la nouveauté.

A l’interne de l’entreprise, cette posture se traduit par la valorisation de la formation continue. Afin de rester employable sur le marché et de s’adapter aux changements, un collaborateur doit désormais se former tout au long de sa vie active. Mais pour ce faire, l’entreprise a l’obligation de créer les conditions-cadres et l’environnement propices à cet apprentissage. Cela implique de l’inscrire dans la culture d’entreprise. La PME n’est jamais seule pour entreprendre cette mue. Face aux manques de ressources, elle peut s’ouvrir à des acteurs externes qui maîtrisent des compétences pointues. D’autres entreprises, par exemple. Mais aussi les hautes écoles qui offrent un immense vivier de compétences.

«Il faut apprendre aux élèves à regarder sous le capot numérique»

A l’Ecole Moser, tous les nouveaux outils doivent être “utiles, utilisés et facilement utilisables”.@A.Bergot

C’est un sujet sensible qui suscite à coup sûr des réactions émotionnelles. Comment intégrer l’enseignement du numérique à l’école, et dans quelle proportion? A l’ère où la société civile ne jure que par la génération Z – née avec une tablette et un iPhone à la main, le système scolaire romand, lui, reste vissé sur l’idée qu’il n’est pas nécessaire de comprendre ce qui se passe derrière l’écran, qu’il suffit de savoir où cliquer. L’introduction des tableaux interactifs en classe n’y changera rien. L’enseignement obligatoire est rétif à la révolution numérique. L’adaptation vient très souvent du privé.

En Suisse romande et à Berlin, l’Ecole Moser a empoigné les défis de la transformation digitale pour créer, au sein de l’établissement et de son organisation, un écosystème propice à l’innovation. «Le tsunami numérique est inévitable. Il faut donc réfléchir à la manière de l’accueillir, estime Alain Moser, directeur de l’école. Le numérique concerne toutes les disciplines. Nous devons donc faire un grand travail pour amener les nouveaux outils pertinents, dont il serait bête de ne pas adopter. Mais aussi de réfléchir à pourquoi on le fait, comment on le fait, à quel âge et pour quel enseignement. Pour cela, il faut un cadre strict et une vision managériale. C’est un travail de fond qui requiert l’implication totale de tous les collaborateurs. On sous-estime les dégâts causés par les professeurs récalcitrants à la salle des maîtres.»

Au sein de l’Ecole Moser, tous les outils numériques passent par le filtre de la règle des trois U. Soit utile à l’enseignement, facilement utilisable et utilisé. «Il s’agit d’éviter l’effet waouh, insiste Alain Moser. Lorsque nous avons introduit les premières tablettes il y a quatre ans, nous avons constitué une première équipe d’enseignants ambassadeurs. L’année suivante, 80% des enseignants en étaient équipés. La condition étant qu’ils mènent au moins deux projets sur iPad pendant l’année.» Depuis, les résultats des élèves ne sont pas moins bons qu’avant, ni meilleurs. L’enjeu est ailleurs.

Une remise en question complète

Comme le rappelle Alain Moser, «le numérique est volatil. Il force à la remise en question perpétuelle. En Suisse, on se refuse encore à changer.» Le directeur de l’Ecole Moser fustige la formation des enseignants qui, une fois leur diplôme obtenu, sont lâchés dans la nature. «Plus personne ne vient en classe pour analyser leur travail. Il n’existe pas de formation continue. Les enseignants n’ont aucune perspective d’évolution. A l’Ecole Moser, la formation continue est une priorité. Ce n’était pas mieux avant. Les enfants savent toujours lire et écrire. Ils doivent aussi savoir naviguer dans le numérique.»

Selon Alain Moser, cette révolution passe par une remise en question complète du métier d’enseignant. «Ce dernier assume davantage aujourd’hui le rôle de formateur, pointe le directeur. Pour être un bon formateur, il faudra être un bon enseignant. Mais l’école publique ferme les yeux sur ce changement de paradigme.» A l’inverse, l’Ecole Moser va de l’avant puisqu’elle prend part au niveau Swiss EdTech Collider de l’EPFL. Ce laboratoire d’idées accueille l’ensemble des acteurs liés aux nouvelles technologies de l’éducation. «Mon ambition est de tester des choses et de susciter le débat, appuie Alain Moser. Il faut apprendre aux élèves à regarder ce qu’il se passe sous le capot du numérique. On ne leur enseigne pas la programmation pour en faire des informaticiens comme on n’enseigne pas le français pour en faire des écrivains.» Inauguré en avril 2017, le Swiss EdTech Collider héberge aussi une trentaine de start-up. «Cette collaboration va nous permettre de réfléchir à d’autres formes de transmission du savoir, dans un monde de collaborations.»

5. Pleins feux sur l’innovation de partage

Un entrepreneur qui se targue d’avoir innové dans son coin est un menteur. L’innovation impose le développement d’un écosystème et de réseaux propices à réfléchir en dehors du schéma classique de l’entrepreneuriat et des processus internes de la PME. La raison? Les produits et les services s’individualisent. Cette personnalisation implique des collaborations étroites avec d’autres branches et de nouveaux acteurs comme les start-up, les think tank et les hautes écoles spécialisées qui, par leurs compétences, peuvent venir en aide aux PME. Malgré cela, un nombre encore limité d’entreprises s’ouvre à de telles collaborations qui, dans les faits, profitent à l’ensemble des acteurs. En effet, le savoir des hautes écoles cherche à s’intégrer dans la pratique. A l’inverse, l’entrepreneuriat doit aussi trouver sa place dans le domaine scientifique.

«Notre véritable impact est de contribuer à la révolution mentale des entreprises»

Roland Luthier, unité PME d'Alliance

Depuis 2005, l’EPFL accompagne les PME tout au long de leur processus de digitalisation. Le service Alliance, soutenu par l’ensemble des cantons romands et le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) mettent en relation la PME avec un partenaire académique pour développer un projet d’innovation. «Notre véritable impact est de contribuer à la révolution mentale des entreprises, considère Roland Luthier, responsable de l’unité PME d’Alliance. Elles doivent essayer de nouvelles choses, s’ouvrir à l’extérieur, se décloisonner.» Alliance aide également les entreprises à déposer une demande de projet à la Commission pour la Technologie et l’Innovation (CTI), désormais rebaptisée Innosuisse. Alliance a déjà permis d’accompagner plus de 500 PME suisses.

A l’instar de Comelec. Depuis 1979, cette PME chaux-de-fonnière est spécialisée dans la déposition de surface sous vide d’un revêtement uniforme baptisé Parylene. Ce traitement de surface sert notamment à protéger des dispositifs électroniques dans l’industrie horlogère, spatiale, médicale et aéronautique. «Dans ce secteur de pointe, nous avons de grands concurrents aux Etats-Unis et en Allemagne, commente Hicham Damsir, directeur commercial de Comelec. Les dispositifs électroniques se multiplient. Ce qui explique la demande croissante du secteur.»

L’enjeu pour Comelec est de commercialiser des produits technologiquement en avance sur la concurrence. C’est dans ce but que l’entreprise neuchâteloise a fait appel, en 2014, au programme CTI via Alliance. «Nous avions des ressources humaines (vingt collaborateurs) et financières limitées pour le développement, relève Hicham Damsir. Ce programme nous a permis d’externaliser la recherche pour aboutir à des produits et des technologies que l’on peut commercialiser.» Comelec a déposé deux projets CTI, dont l’un est toujours en cours.

«L’innovation devient de plus en plus compliquée. Tout seuls, nous n’y arrivons pas»

Josep Castellet, dirigeant de Pomoca. ©Stéphanie Liphardt

C’est une PME familiale discrète, mais qui détient le tiers du marché mondial de la peau de phoque. Dans la zone industrielle de Denges, Pomoca n’a qu’un but en tête: creuser l’avantage compétitif de ses produits par la technologie. «Nous voulons devenir un centre d’excellence, défend Josep Castellet, directeur général de Pomoca. Les produits sur le marché de la peau de phoque n’ont pas évolué depuis trente ans. Nous voulions casser les règles et proposer des solutions disruptives. C’est un vrai défi, puisque tout ce qui est possible a déjà été fait. On s’est donc mis à rechercher l’impossible.» En 2012, Pomoca, qui emploie une quinzaine de personnes pour un chiffre d’affaires annuel de 5 millions de francs, a donc inauguré un laboratoire de recherche et développement. «Il s’agissait de reprendre les choses depuis le début, d’analyser les processus qui font qu’une peau glisse et colle aux skis. Nous voulions maîtriser l’ensemble des paramètres pour développer un produit nouveau.»

Collaboration avec l’EPFL

Pour Pomoca, la première visait à améliorer ses produits basiques afin d’atteindre un taux de croissance suffisant pour passer à la vitesse supérieure. C’est-à-dire la conduite de deux projets de recherche fondamentale avec l’EPFL. L’un a permis la production du Pomocup, un capteur qui se colle sur le ski et qui fournit des données (cadence de pas, conversion montée, descente, dénivelé) au randonneur. L’autre projet a permis l’élaboration d’une peau inédite. «Depuis les années 1940, la peau est en velours doublé. Trente ans plus tard, la colle fait son apparition. Avec l’EPFL, nous travaillons à l’invention d’une colle inédite, mais aussi sur une peau qui devra allier légèreté, glisse et accroche dans n’importe quelle neige», révèle Josep Castellet. Mais jusqu’ici, aucune recherche n’a donné de meilleurs résultats que la peau classique.

«L’une des forces de la Suisse, c’est sa capacité de mise en réseau permettant de créer des produits complexes.»

Josep Castellet, Pomoca

La collaboration entre l’EPFL et Pomoca a démarré il y a un an. Deux laboratoires sont impliqués. «La recherche fondamentale a encore besoin de temps, convient Josep Castellet. Nous sommes conscients que l’innovation devient de plus en plus compliquée. Tout seuls, nous n’y arrivons pas. Ce n’est plus notre métier. C’est un travail multidisciplinaire. L’une des forces de la Suisse, c’est sa capacité de mise en réseau permettant de créer des produits complexes.» Josep Castellet, dont l’entreprise produit aujourd’hui 100 000 paires de peaux par an, espère commercialiser cette nouvelle technologie à l’horizon 2023.

6. Un pari collectif sur l’avenir

Tout n’est pas du ressort des PME. La transformation numérique de l’économie et de la société nécessite un effort global et conjoint de l’ensemble des acteurs. C’est-à-dire que pour innover, une entreprise doit pouvoir bénéficier d’infrastructures d’information et de communication sûres et performantes. L’Etat doit également simplifier ses processus et favoriser les conditions-cadres qui permettront cette transition et son financement. Ces infrastructures de base constituent également pour la Suisse un facteur d’attractivité capital aux yeux des entreprises étrangères qui voudraient s’y implanter. Des conditions favorables aux investissements et une concurrence efficace permettent aussi de répondre aux besoins futurs du pays et de son tissu économique. Les bases du succès sont des conditions-cadres stables permettant de façonner les structures économiques et sociales de demain.

La 3D pour les prothèses

L’évolution fut graduelle. Mais à terme, elle a complètement révolutionné le modèle d’affaires de Symbios. Depuis 1989, l’entreprise yverdonnoise fournit des prothèses articulaires de hanche et de genou pour les personnes souffrant d’arthrose. A l’époque où la technologie faisait ses premiers pas, Symbios intègre ces nouveaux outils prometteurs pour développer un logiciel expert pouvant reconstruire un volume tridimensionnel du patient. «A l’époque, c’était une prouesse, explique Florent Plé, directeur général de Symbios. Nous avons donc capitalisé sur cette innovation. Le fait d’amener l’informatique au cœur de l’entreprise a constitué une première rupture dans notre modèle d’affaires.»

Dans les années 2000, l’entreprise vaudoise poursuit sur sa lancée en développant des logiciels à partir de la technologie existante. Par ricochet, ces innovations ont impacté le travail des chirurgiens. «Nos logiciels leur permettaient de simuler, en amont de l’opération, la place de l’implant, expose Florent Plé. Ils sont très vite devenus un service complémentaire à l’acte chirurgical. Sur la base de ces services, nous avons développé d’autres produits.» Cette technologie s’applique d’abord à la chirurgie de la hanche, puis du genou. Avant de devenir l’outil indispensable du chirurgien. 

Un marché de niche devenu global

En 2017, Symbios commercialisait 10% prothèses sur-mesure de hanche. «Mais 80 à 90% des prothèses standards que nous vendons sont posées en ayant bénéficié d’une planification 3D avec nos logiciels, et dans le cas du genou, grâce à l’utilisation de guide de coupe sur-mesure, précise Florent Plé. C’est un changement majeur pour Symbios, mais surtout pour l’orthopédie qui n’avait pas l’habitude de planifier à l’avance.» Fort de ce changement, Symbios se propose d’aller plus loin en démocratisant le sur-mesure. «Il s’agit de réduire le temps d’analyse du patient. C’est-à-dire qu’à l’avenir, nous aimerions ne plus lui offrir vingt tailles de prothèse, mais directement la bonne taille.»

Cela n’a l’air de rien, mais l’industrialisation de la prothèse sur-mesure réduit les coûts hospitaliers dans le bloc opératoire et simplifie la prise en charge du patient ainsi que l’acte chirurgical. Afin de faciliter ce changement, Symbios a mis sur pied un service internet de prise de commandes et de gestion logistique pour alléger le transfert des scanners et donc la modélisation des prothèses. Ces prochaines années, l’objectif de entreprise yverdonnoise est d’accélérer l’industrialisation des prothèses sur-mesure.

7. Un cadre légal pour soutenir la nouvelle économie

Dans son étude en ligne menée sur 300 PME suisses, le cabinet d’audit PwC soulignait en 2016 que les trois quarts des entreprises interrogées estimaient que la digitalisation allait radicalement changer leur marché ces cinq prochaines années. Ce constat, s’il se révèle, nécessite des lois adaptées aux nouvelles technologies et à leur environnement. Face à une législation d’un autre temps, une PME aura beaucoup plus de peine à révolutionner son modèle d’affaires et ses produits. D’où l’importance de lever certains freins. L’étude souligne encore qu’un écosystème fortement numérisé encourage les entreprises à suivre le mouvement et bâtir une économie de partage qui soutient cette transition.

A l’ère numérique, la nouvelle économie est sur toutes les lèvres. Elle inquiète des secteurs qui voient en elle une menace de leur modèle d’affaires. Elle charrie aussi beaucoup de promesses avec de nouveaux services. Les PME sont au cœur de cette tension. Il n’y a qu’à voir les crispations (légitimes) de l’hôtellerie face à Airbnb ou celles des taxis face à Uber. Comment justifier que ces entreprises américaines puissent opérer en Suisse avec des règles moins contraignantes? C’est tout le défi. Mais l’économie de partage est aussi une chance pour les PME, puisqu’elle se décline à l’infini en démocratisant le financement participatif et la cocréation. La PME ne dépend donc plus d’un seul acteur pour aller de l’avant et imaginer de nouveaux modèles économiques en rupture avec les schémas traditionnels.

Un coffre-fort numérique pour les données médicales

Pierre-Mikael Legris, directeur de Pryv.  ©Stéphanie Liphardt

Depuis 2012, Pryv révolutionne un secteur en pleine transition numérique: la santé. Mais la jeune PME vaudoise empoigne ce domaine sous l’angle du patient, qui est souvent le meilleur porte-parole de sa maladie alors qu’il ne comprend pas forcément le langage médical. Pryv a donc développé une solution numérique pour combler cette lacune. Ce logiciel place le patient au centre de sa propre banque de données médicales, accessible à l’ensemble des acteurs de la santé. Le patient en est le propriétaire et décide ainsi de fournir les clés des différents coffres selon sa volonté. C’est-à-dire que son consentement préalable est indispensable pour qu’un médecin, un hôpital, un assureur accède à son compte – ou à une partie de son compte. Ces données permettent aux professionnels de la santé d’établir un diagnostic par exemple ou d’évoluer dans cette banque de données santé avec le consentement du patient, puisque ce logiciel impose l’aval du patient.

L’idée est née en 2012, avec le constat suivant: «Les outils d’automesure se démocratisent. Ils comptabilisent nos pas, vérifient notre pression sanguine. Mais il n’existe aucun espace sur internet pour stocker toutes ces données privées», communique Pierre-Mikael Legris. Le directeur général de Pryv en a fait l’expérience. Durant six ans, il a combattu une leucémie. «Je tenais un journal précis de ma santé en relation avec mon mode de vie, se souvient-il. J’avais une compréhension assez fine de ma santé sans forcément maîtriser le jargon médical. J’étais devenu une source d’informations primordiales pour les médecins.»

Le pouvoir de l’individu

Lorsque l’ingénieur EPFL, natif de Morges, devait être soigné, il devait parfois se rendre aux HUG de Genève pour une simple prise de sang ou de température. «Je faisais le lien entre les différents médecins alors que j’aurais pu échanger ces données plus simplement sans me déplacer.» Une fois guéri, Pierre-Mikael Legris, s’associe et développe ce coffre-fort numérique avec une technologie grand public.

Ce coffre-fort est une interface utile aux acteurs de la santé pour interagir avec leur patient. Ce dernier reste maître des informations qu’il communique. C’est-à-dire qu’il est le seul à pouvoir autoriser les accès à ceux qui collectent les informations, les utilisent et les partagent. Il en a donc l’entière maîtrise. Tous les flux sont donc opérés avec le consentement du patient qui peut restreindre l’accès de son compte à tel acteur, pour telles données. Du point de vue de l’utilisateur, l’autre atout est de pouvoir structurer le contenu de cette banque de données santé. «Nous avons découpé la vie de l’individu en flux. Un flux nutrition, un flux sommeil, un flux sport, etc. Nous avons également organisé ces informations de manière à ce que l’individu puisse les interpréter facilement, assure Pierre-Mikael Legris. En comprenant le contenu de son coffre, il va pouvoir gérer ses informations en connaissance de cause.»

Pryv enregistre une trentaine de clients. Ce sont principalement des établissements hospitaliers, des réassureurs ou des fournisseurs d’appareils connectés et de capteurs. Mais cette banque de données pourrait séduire d’autres entreprises. En effet, le 25 mai prochain, la nouvelle directive européenne sur la protection des données (GDPR) entrera en vigueur en Suisse. Elle accordera davantage de droits aux particuliers, notamment le droit à l’oubli. Les entreprises devront ainsi s’assurer du consentement éclairé et informé des individus quant à la collecte et au traitement de leurs données. Un casse-tête qui trouve sa solution dans les produits de Pryv.


Cet article est paru dans PME MAGAZINE